Reuters le 14/05/2007 15h12
Les défections vers Sarkozy, un travail de plusieurs mois
par Emile Picy
PARIS, 14 mai (Reuters) - Engagé depuis des mois déjà, le mouvement de défections en faveur de Nicolas Sarkozy s'est amplifié après l'élection de ce dernier à l'Elysée et à la veille de la formation d'un nouveau gouvernement.
A diverses reprises, Nicolas Sarkozy a déclaré qu'il voulait "faire bouger les lignes". Le ralliement de nombreux députés UDF et les contacts noués ces jours derniers avec d'anciens dirigeants socialistes témoignent de cette volonté.
Le président nouvellement élu a ainsi reçu depuis son succès les socialistes Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, Claude Allègre, ancien ministre de l'Education nationale de Lionel Jospin, Anne Lauvergeon, ancienne collaboratrice de François Mitterrand et aujourd'hui présidente du groupe Areva, sans oublier l'ancien ministre de la Santé Bernard Kouchner.
Du côté UDF, vingt-quatre députés sur vingt-neuf ont désormais rallié Nicolas Sarkozy et son "pôle centriste". Quelques-uns, comme André Santini, avant le premier tour. Les autres à la veille ou au lendemain du second.
Parmi ces derniers, Hervé Morin, président du groupe centriste à l'Assemblée, Maurice Leroy et François Sauvadet qui étaient considérés jusqu'ici comme formant la garde rapprochée de François Bayrou. Il sont tous trois désormais "ministrables".
Ce mouvement de défections au profit du président de l'UMP s'est engagé il y a plusieurs mois déjà. Le coup d'envoi avait été donné en juin 2005 par l'UMP François Fillon qui, évincé du gouvernement, avait amorcé son rapprochement avec Nicolas Sarkozy en s'en prenant à Jacques Chirac.
LE CAS BESSON
François Fillon, qui semble avoir gagné son pari puisque son nom est constamment cité pour diriger le prochain gouvernement, affirmait que de Jacques Chirac, dont il fut longtemps un fidèle, "on ne se souviendra de rien".
Dans un livre, intitulé "La France peut supporter la vérité", il accusait le chef de l'Etat en exercice de "porter une responsabilité sérieuse dans le décrochage économique et social de la France".
Au long des mois qui suivirent, beaucoup de députés UMP ou d'anciens ministres, comme Roselyne Bachelot, jusqu'ici proches du président de la République, lui emboitèrent le pas. La quasi-totalité du groupe avait ainsi rallié, au cours de la dernière année, la candidature de Nicolas Sarkozy à l'Elysée.
Mais le fait marquant de la campagne présidentielle aura été la défection du député socialiste de la Drôme, Eric Besson. Secrétaire national à l'Economie du PS, il avait publié un rapport dans lequel il demandait notamment "si la France était prête à voter en 2007 pour" Nicolas Sarkozy "un néo-conservateur américain à passeport français".
En désaccord avec son parti et sa candidate à l'Elysée, Ségolène Royal, le député claqua la porte du PS et régla ses comptes dans un ouvrage visant la candidate à l'Elysée.
Le soir du premier tour du scrutin présidentiel, il annonçait son ralliement au candidat de l'UMP avant de participer activement à la campagne du second tour de son nouveau champion. Il pourrait faire partie du prochain gouvernement.
"L'OUVERTURE" DE 1988
Ce phénomène de défections a toujours existé en politique. Au lendemain des présidentielles de 1988, François Mitterrand réélu, et son nouveau Premier ministre, Michel Rocard, avait pratiqué "l'ouverture".
Mais la plupart des ralliés, qui ont disparu depuis, n'étaient pas des personnalités de premier plan à l'exception de Jean-Pierre Soisson qui depuis a retouvé son camp d'origine en se rangeant par la suite derrière Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy.
Désormais, les ruptures se font brutalement. Des amitiés et des fidélités parfois tissées depuis des décennies, comme c'est le cas à l'UDF, se rompent soudainement, du jour au lendemain. Il n'est plus rare, dans les couloirs du Palais-Bourbon, de voir tel député blâmer son voisin avec qui la veille encore il semblait partager le même combat.
Un député UDF, réputé proche de François Bayrou et qui a rallié le "pôle centriste" proposé par le nouveau chef de l'Etat, explique ainsi son revirement : "le mode de scrutin qui engendre la bipolarisation fait que..."./EPI