ASI : mon appel d’avant le 18 juin à Carolis et Duhamel
Osez l’indépendance ! Faites comme Chabot !
par Daniel Schneidermann, mercredi 13 juin 2007.
Dîtes-moi, il semble que le retour d’Arrêt sur images à la rentrée devienne un dossier épineux.
Depuis ma dernière note, il est apparemment devenu plus épineux encore.
Tellement épineux que la direction de France 5 nous a prévenus que "l’arbitrage" sur la reconducrion de l’émission ne serait pas rendu avant le 18 juin, au plus tôt.
Le 18 juin, ce n’est pas seulement l’anniversaire que vous savez.
C’est aussi le lendemain de la diffusion de notre dernière émission de la saison.
Pour la première fois depuis douze ans, nous devrons prendre congé de nos télespectateurs sans pouvoir leur dire si nous serons de retour à la rentrée.
Pour savoir s’ils retrouveront leur émission, les cochons de payeurs de la redevance sont invités à attendre septembre. Telle est la réponse-type qu’ont reçue ceux d’entre vous qui ont écrit à la chaine.
Ce n’est pas poli.
C’est même d’une grossièreté inouïe.
Et moi, qui suis la courtoisie incarnée, je n’aime pas qu’on me force à de telles grossièretés.
D’abord, "l’arbitrage" devait être rendu fin mai. Puis, début juin. Et maintenant, pas avant le 18 juin.
Mais quelles sont donc les torturantes questions, que peut bien se poser la direction de la télévision publique, pour ne pas avoir les réponses avant le 18 juin ?
Dans l’équipe, on a fait notre boulot : nous avons enquêté. Nous avons appelé nos collègues, les zémissions phares de la chaine. Eh bien, il apparait que Arrêt sur images n’est pas la seule émission de France 5 à ne pas être fixée. Bon, il semble que Le magazine de la santé devrait revenir à la rentrée. Tant mieux. Les Maternelles aussi. Toutes deux travaillent déjà sur leurs sujets de rentrée. A la bonne heure ! En revanche, comme nous, Ripostes (Moati) et FOG ne sont pas fixés sur leur sort.
Ripostes, FOG, ASI : tiens, trois émissions qui portent un regard (indirect, dans notre cas, mais regard tout de même) sur l’actualité de la politique intérieure.
Tiens.
Re-tiens : le 18 juin. A propos. J’y pense : ne serait-ce pas aussi le lendemain du 17 juin ?
Quelle sagacité, Daniel.
Et le 17, c’est quoi ? Allez, réfléchissez un peu. Mais oui pardi : le-second-tour-des-élections-législatives.
Et même moi, qui suis la confiance incarnée, suis bien obligé maintenant de rapprocher les deux faits.
Par hasard, la direction de FranceTélévisions attendrait-elle le lendemain des législatives, et la nomination du gouvernement Fillon 2, pour décider de prolonger, ou non, les émissions de la chaîne traitant (même indirectement) de politique intérieure ?
Diable ! Mais quel rapport ? Par hasard, Patrick de Carolis et Patrice Duhamel, Binôme Suprême de FranceTélévisions, avant d’arbitrer les dossiers épineux, souhaiteraient-ils attendre, voire solliciter auprès de leur nouvelle autorité de tutelle un conseil, une consigne, une orientation, une réflexion, une opinion, une suggestion ?
Allons donc !
FranceTélévisions est une entreprise indépendante. Son PDG, Patrick de Carolis, tient son mandat d’un organisme indépendant, le CSA. Cet organisme est présidé par un haut fonctionnaire indépendant, lui-même nommé par un président de la République indépendant.
Voys voyez bien !
Le budget de FranceTélévisions est voté chaque année par le Parlement, et justement le nouveau président de la République indépendant, élu par le peuple souverain, a bien expliqué qu’il respecterait le rôle du Parlement.
Vous voyez bien !
D’ailleurs, Arlette Chabot et David Pujadas, co-responsables de l’information de France 2, viennent de manifester de manière éclatante leur indépendance par rapport au pouvoir politique.
D’abord, en respectant une stricte neutralité dans leurs dossiers épineux à eux, et en se gardant bien de nous dire, par exemple, si la TVA sociale sera une mesure efficace ou non. Enfin, à la vérité, leur enquête de journalistes indépendants les conduit même à penser que la hausse de la TVA pourrait faire baisser légèrement les prix (regardez l’éclatante démonstration par le pull over, au 20 Heures de mardi soir). Mais, professionnels comme ils sont, ils accueillent cette bonne nouvelle avec la distance qui convient.
Mais surtout, mis en cause (de manière injuste, je le reconnais) par une ancienne candidate à la présidentielle, ils viennent de protester hautement, publiquement, et à plusieurs reprises, de leur professionnalisme. Ils viennent de dire fièrement au politique : bas les pattes ! Ne portez pas atteinte à l’indépendance de la télévision publique.
Hein ? Comment ? Il se trouve que l’ancienne candidate en question appartient à l’opposition ? Quoi ? Vous pensez que Chabot et Pujadas auraient protesté moins fort si la mise en cause avait émané du pouvoir ?
Rien ne vous autorise à dire ça.
Et j’exhorte donc le valeureux Binôme Suprême, Carolis et Duhamel, à se souvenir à chaque instant que son indépendance est son bien le plus précieux.
Patrick et Patrice, faites comme Chabot et Pujadas.
Osez l’indépendance !
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