Rue 89
Immigration: Hortefeux ignore le Code du travail
Par Zineb Dryef (Rue89) 02H08 25/07/2007
Les inspecteurs du travail protestent contre un décret du ministre qui les fait passer pour des auxiliaires de police.
Après les historiens, c’est au tour des inspecteurs du travail de s’élever contre Brice Hortefeux, le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale. Quatre syndicats de l’inspection du travail ont déposé un recours devant le Conseil d’Etat contre un décret d’attribution du ministre qui lui permet d’utiliser les inspecteurs du travail dans la recherche des travailleurs étrangers illégaux.
"Nous attendons la décision du Conseil d’Etat." Le commentaire laconique du service de la communication du nouveau ministère de l’Immigration témoigne de l’embarras dans lequel se trouve Brice Hortefeux. Dans ce ministère hybride, le mot d’ordre principal semble être, pour le moment, "expulsions". A tel point qu’un "décret Hortefeux" publié le 1er juin suscite la colère des inspecteurs du travail.
Ce décret permet de placer la Direction générale du travail sous l’autorité du ministère de l’Immigration, alors même que son référent principal est le ministère du Travail, en conformité avec la convention n°81 de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui garantit l’indépendance de l’inspection du travail.
En clair, avec ce nouveau décret, la police pourra entrer dans n’importe quelle entreprise, à n’importe quel moment, pour y effectuer des contrôles. Ce qui n’était pas le cas avant, l’autorisation d’un juge étant un préablable à tout contrôle effectué par les services de police. Les inspecteurs du travail ont, eux, ce droit de contrôle permanent sur les entreprises.
Pierre Mériaux, membre du bureau national du SNU-TEF (travail, emploi, formation) s’indigne de ce décret qui pose, selon lui, un "problème juridique et pratique grave".
Depuis 2005, une circulaire commune à Nicolas Sarkozy et à Gérard Larcher (alors ministre du Travail) prévoyait des contrôles communs de l'inspection du travail et de la police. Cette circulaire a été largement boycottée par les syndicats.
Aujourd'hui, un tel décret, s'il venait à être maintenu par le Conseil d'Etat, systématiserait ces contrôles et placerait l'inspection du travail sous l'autorité de Brice Hortefeux. Gérard Mériaux estime qu'il s'agit là d'une "violation flagrante de la convention 81 de l'OIT, ce qui est très grave car cette convention est précieuse pour nous, elle garantit l'indépendance de l'inspection du travail: sans cela, nous sommes soumis à tous les aléas de la vie politique alors que notre mission fondamentale est de veiller à l’application des dispositions du Code du travail".
Un seul objectif: "Bourrer les charters"
Pour les quatre syndicats, représentant 80% de la profession, l'objectif de Brice Hortefeux est clair: "bourrer les charters". Aspiration qui ne colle pas tout à fait à l'idée que se font de leur métier les inspecteurs du travail: "Les dispositions qu'on applique sont celles du Code du travail, qui protègent les salariés..."
Démonstration: un inspecteur qui, lors d'un contrôle, tombe sur un employé sans papiers, est censé enclencher le dispositif de sanction visant l'employeur. Le Code du travail prévoit d'ailleurs que l'employé reçoive, quelle que soit son ancienneté, un mois de dommages et intérêts. Cette compensation financière vise à le faire reconnaître comme victime et à pénaliser l'employeur ainsi contraint de la verser. Or, lors des contrôles de police dans les entreprises, cette mesure permettant de recouvrer un mois de salaire n'est quasiment jamais mise en œuvre.
Là encore, les syndicats dénoncent une dénaturation de leur profession et une situation "intenable" du point de vue déontologique: "Nous devenons ainsi de simples auxiliaires de police", des "ouvre-boîtes".
La manifestation la plus claire de cette dérive policière reste sans doute la lettre de mission de Nicolas Sarkozy adressée à Brice Hortefeux et donnant le nombre d'expulsions à atteindre pour 2007: 25000. Pour Pierre Mériaux, le ministre de l'Immigration a, par ce décret, fait main basse sur l'inspection du travail: